Née en 1988, vit et travaille à Anvers, Belgique.
Dans la pratique de Beumer, le processus d’accumulation est la base de son travail. Ses films et ses scripts se construisent en plusieurs reprises, continuellement modifiés et constamment renégociés. Les outils de communication - traduction, indication, instruction et explication - deviennent des directions de scène et créent des points d’entrée pour l’improvisation, tissant la réalité à travers les scripts qui, d’une manière ou d’une autre, peut-être par l’acte de se définir comme art, deviennent une fiction à part entière.
(Brenda Tempelaar, 2018)
29/07/2020 à 18h15,
à Artistes en résidence,
Clermont-Ferrand, France
En collaboration avec Baptiste Audousset.
“C’est dégueulasse”, derniers mots de François à bout de souffle immédiatement trahi par un commissaire véreux : « vous êtes dégueulasse » dit-il, à Patricia tenue comme responsable de la mort de son amant. Pourquoi donc rassembler Karina Beumer et Alto Séné dans un tel étau de références cinématographiques ? D’autant plus que la relation entretenue entre l’un et l’autre n’a aucun rapport avec le destin tragique des célèbres personnages de la nouvelle vague. Tout bonnement parce que « Nouvelle vague », serait justement le nom à offrir à deux pratiques artistiques distincts néanmoins liées par une façon d’envisager l’art qui a la saveur des rouleaux de printemps et de l’écume d’été. Bref, il se passe sans doute quelque chose au sein d’une génération dont la réflexion s’alimente sans vergogne d’un background infiniment riche et métissé. Elle et il, font feu de tout bois et s’est réconfortant. La genèse de leurs travaux est alimentée par la musique, la philosophie, le cinéma, la peinture et que dire encore, si ce n’est qu’ils ne prennent fort heureusement plus la forme épuisée d’un art « pop », on dirait d’avantage « popup » car les fenêtres que leurs textes, dessins, vidéos ouvrent sont des formidables bases de lancement.
Roach in the blue forest...
Karina Beumer file comme un gardon à travers la forêt bleue. Aux allures de garçonne, elle entretien la vie rythmée d’un personnage sans corps ou pour être plus précis dont les membres s’éparpillent au fil des vidéos, des dessins, des sculptures qui lui sont consacrés. Un monde parallèle, ni idyllique ni apocalyptique, sans limite même, en expansion comme le serait, nous dit-on, l’univers. C’est drôle, c’est touchant, parfois inquiétant. On se déplace allègrement sans gravité, comme les roches décoratives qui abritent certaines scènes de ses films. Nous sommes pour ainsi dire suspendus, attirés par une sorte de chuchotement inaudible, des paroles gelées par l’impressionnante autorité du langage. Libérer en quelque sorte, émancipé d’un devoir si souvent remis sur la table. Comprendre n’est pas le sujet. Karina Beumer invente avec malice quelque chose qui nous échappe et nous appartient toutefois, comme l’expression d’une humanité sans borne, sans préjugé.
Cock in the twilight
Sans parole un coq célèbre d’avantage le crépuscule. Non pas ce coq gaulois symbole machiste et nationaliste risible, mais cet oiseau malicieux qui refuse de voler parce qu’il est bien plus préoccupé à veiller. Ces nuits sont plus belles que nos jours. D’un pragmatisme étonnant la poésie de Alto Séné se déploie comme les journées se succèdent devant nous. Dans l’enchainement des plans, des mots, des impressions on reconnait la croute de notre écorce terrestre, mais aussi d’une insatisfaction latente dont la force est de rester permanente comme ce petit miracle documentaire saisie à la volée. Une vitre sépare l’insecte de son prédateur, seule la mince épaisseur du verre le protège des coups de becs. L’art de se trouver précisément à l’endroit où le regard s’absente, est peut-être la marque, la trace à peine voilée laissée par Alto Séné comme l’indice manquant d’une enquête nécessaire sur la disparition du réel auquel nous contribuons.
Texte de Martial Déflacieux