Né à Bologne en 1996, Nicola Bizzarri vit et travaille aujourd’hui entre Munich, en Allemagne, et sa ville de naissance en Italie.
Il peut paraître anecdotique, mais finalement pas si anodin qu’un artiste né à Bologne, ville dont l’université est considérée comme la plus ancienne du monde occidental, s’intéresse dans son travail aux processus d’écriture et de narration de l’Histoire par les puissant·es. Nicola Bizzarri propose d’autres angles de vue en cherchant à déceler la persistance des symboles du pouvoir dans nos constructions individuelles et collectives.
C’est au sein de contextes quotidiens, de gestes ordinaires ou d’objets domestiques que l’artiste saisit les éléments de sa recherche. Par exemple, Nicola Bizzarri s’est attaché à étudier la figure du cheval, dont les représentations, souvent intimement liées à celles du pouvoir, traversent les cultures et les époques. Il choisit des prismes singuliers afin d’en déconstruire l’autorité, tels que fabriquer du papier à partir d’excréments laissés par une calèche touristique, fondre le bronze de statuettes équestres ou encore imprimer sur des textiles, pliés à la manière de drapeaux, des photographies amateures de bibelots en vente sur internet.
Au travers de la récupération, reproduction ou modification de ses trouvailles, Nicola Bizzarri cherche ainsi à questionner la métamorphose du sens de ces objets. Une portée historique peut être oubliée au profit d’un attachement sentimental, qui peut lui-même s’estomper devant une valeur commerciale.
La signification des choses se révèle mouvante, diluée au fur et à mesure qu’elles passent de mains en mains, comme autant d’échos à différentes strates de subjectivité.
Nicola Bizzarri (IT), Wilfried Dsainbayonne (FR), Smári Róbertsson (IS/NL), Anaïs Touchot (FR)
29 février 2024 18h30-21h00
à Artistes en résidence, la Diode
190, bd Gustave Flaubert, Clermont-Ferrand
À Artistes en résidence (A·R), nous aimons la métaphore de l’iceberg pour évoquer le monde de l’art. Tous deux comportent une partie émergée, exposée au grand jour, ainsi qu’une autre, évoluant dans l’ombre - dont la taille plus imposante permet de porter la première et de lui assurer sa visibilité. Les résidences d’artistes, et le travail de recherche et de création en général, rendent ainsi possibles les expositions et autres formes de diffusion publique, tandis que la réalité du métier d’artiste reste largement méconnue. Sous les croyances et mythes romantiques de la vie d’artiste se cache ainsi souvent un travail de production, d’administration et de communication éreintant, exercé dans des conditions précaires et concurrentielles. A·R souhaite, par son activité, soutenir et rémunérer les artistes pour cette partie moins visible de leur travail : la recherche et l’expérimentation, sans obligation de finaliser une production. Les artistes invité·es ont néanmoins la possibilité de présenter leur pratique aux publics, afin de l’ancrer dans le lien social sans lequel elle ne saurait exister.
Le 29 février 2024, quatre artistes actuellement en résidence à A·R présentent ainsi des œuvres à des stades de développement variés. Tou·tes les quatre partagent une façon d’interroger les mythes, anciens ou contemporains, en tentant de comprendre leur construction, leurs mutations et leur survivance au sein de sociétés, de cultures et d’époques différentes. Anaïs Touchot (FR) nous propose dans l’Académie de la croûte de percer le mystère de la figure de l’artiste afin de pouvoir, nous aussi, en adopter la posture. Nicola Bizzarri (IT) s’intéresse aux représentations symboliques du pouvoir et leur injection discrète dans nos intérieurs domestiques par le biais de bibelots et d’objets décoratifs. Smári Róbertsson (IS/NL) nous transmet son goût pour les légendes locales, souvent sombres, dont la tradition orale produit des versions divergentes qui gravitent autour d’une critique sociale et politique camouflée. Wilfried Dsainbayonne (FR) prend quant à lui une histoire intime comme départ de ses recherches : le retour de son père dans son pays natal du Congo, devenant par son absence une figure entourée de mystères, protagoniste de récits rocambolesques.
Le public, au détour des espaces de travail que A·R partage avec le collectif Les ateliers, découvre ainsi quatre manières de désaxer les regards vers les angles morts, quatre façons de gratter la surface du visible pour comprendre comment adviennent et circulent les récits. Les artistes proposent de nouvelles histoires (avec un h minuscule), qui renversent les échelles de valeur, frottent le personnel au collectif et l’ici à l’ailleurs, pour faire surgir une interrogation profondément politique sur les processus d’écriture même de l’Histoire (avec un H majuscule).